DEVON ALLMAN Ragged and Dirty (2014)

Le digne rejeton de Greg Allman, entre deux tournées avec Royal Southern Brotherhood, trouve encore le temps de sortir un album solo. On se demande comment il fait car, loin d’être bâclé, ce disque est fort bien construit et mérite largement le détour.

D’entrée de jeu, le bon « Southern rock » speedé « Half The Truth » cartonne bien avec son excellent solo de gratte. Ce morceau ravira les rockers, le tout en trois minutes et cinq secondes. C’est ça, la classe !

L’influence de l’Allman Brothers Band se fait sentir sur le « Southern blues rock » « Can’t Loose ‘em All » (surtout sur la fin du refrain) et le solo nous évoque Warren Haynes. A l’oreille, Devon doit jouer sur une Les Paul en position grave. Du bon travail, merci Daddy et Uncle Warren ! Le très mélodique « Leavin’ », teinté de country et doté d’un solo plein de feeling, nous charme les tympans en deux minutes quarante. Court mais efficace ! Nous sommes replongés dans l’atmosphère des seventies avec la reprise du funky « I’ll Be Around », immortalisé par la délicieuse Randy Crawford, avec un piano électrique Rhodes. Le solo sonne très Clapton pour notre plus grand plaisir. « Traveling », un bon blues rock, nous envoie un solo « killer » entre les deux oreilles.

Si jusqu’à présent le père Devon avait opté pour un format de titres plutôt courts, il se rattrape avec « Midnight Lake Michigan », un lent blues instrumental planant, qui ferait un malheur sur FIP à l’heure des embouteillages. Je plaisante ! C’est un très grand morceau mais quand même réservé aux musiciens qui apprécieront les changements de touchers de cordes et d’ambiances « guitaristiques ». Je passe sur la reprise de « Ten Millions Slaves » d’Otis Taylor, un peu ennuyeuse à mon goût. « Blackjack Heartattack », un funky blues urbain, vaut surtout par le solo de gratte qui nous assassine bien les esgourdes. Une mention particulière pour « Back To You », un blues mélodique en mode mineur dans le style de Gary Moore, orné d’une guitare qui prend aux tripes et d’un solo superbe. « Times Have Changed », un bon rock honky tonk à la sauce sudiste, swingue à merveille. Le solo me rappelle le Gary Rossington des débuts. Ce titre devrait bien marcher dans le juke box du vieux Barney, le samedi soir au Dixie Bar. Devon reprend aussi le « Ragged And Dirty » de Luther Allison, un funky blues syncopé avec un solo de guitare wah wah bien balancé. On termine en beauté avec l’ambiance particulière dégagée par « Leave The City », mélange de « Southern swamp rock » hypnotique et de ballade country folk, qui commence avec un dobro et une batterie. Le thème du morceau vante le retour à la nature. Un gars, fatigué de la grande cité, veut se barrer du côté des montagnes et des forêts et demande à sa copine de le suivre. Très sympa !

Devon Allman a donc bien su gérer l’héritage « allmanien » et en digérer habilement les influences. Il nous propose une belle galette, très agréable à écouter, qui distille des titres efficaces, une voix râpeuse à souhait et une guitare qui inspire le respect. De l’excellent travail.

Bon sang ne saurait mentir !

Olivier Aubry